À la rencontre… de Paula Dolci, Docteure en Géographie et lauréate du Prix de Thèse 2021 en SHS
En septembre dernier, Paula Dolci a recu le premier Prix de Thèse, mis en place par le Collège Doctoral LR et ses établissement partenaires, dans la catégorie Sciences Humaines et Sociales. Elle est notre invitée et a accepté de répondre à nos questions sur son parcours, sa thèse et ses projets :
En quelques mots, qui êtes-vous ?
Je m’appelle Paula Dolci, j’ai 32 ans. Je viens de Niort. Je suis ATER c’est-à-dire attachée temporaire d’enseignement et de recherche, en géographie à l’Université Gustave Eiffel de Marne la Vallée.
Quel est votre parcours universitaire et professionnel ?
Je suis passée par les classes préparatoires littéraires où je me suis spécialisée en Histoire-Géographie. Puis, je suis rentrée, en 2011, à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon où j’ai choisi de faire, principalement, de la géographie. En 2014, j’ai passé l’agrégation de géographie avant de préparer un projet de recherche, en même temps que mon Master 2 Recherche, sur la question du retour à la terre et j’ai réalisé mon doctorat sur ce sujet.
Sur quoi portaient vos travaux de recherche ?
Ma thèse porte sur le phénomène du retour à la terre en Italie c’est-à-dire sur l’installation en agriculture de nouveaux arrivants qui sont majoritairement des citadins. Ici, le sens de « retour » a plutôt un sens métaphorique, même si pour certaines personnes il s’agit bien d’un retour effectif au lieu d’origine. Ainsi, j’ai interrogé ces conversions/reconversions en lien avec les inquiétudes suscitées par la crise écologique et la remise en cause du développement urbain et capitaliste et les modalités de cette installation.
Si nous devions ne retenir qu’une idée ou deux de votre thèse quelles seraient-elles ?
Ma thèse montre que la mise en œuvre concrète du projet de retour à la terre donne lieu à des installations qui sont très progressives, en raison des nombreuses contraintes et des manques de ressources, et entraine des bricolages, réajustement et compromis.
La seconde idée maîtresse de ma thèse souligne l’importance des ancrages sociaux et territoriaux dans cet accès aux ressources, qui se fait justement sous forme bricoler quand on a peu de moyens. Le fait d’appartenir à un réseau ou à un territoire ouvre des portes pour obtenir de façon concrète des ressources, sans forcément passer par une transaction financière, d’où l’importance pour les néo-agriculteurs de s’insérer dans le tissu local et dans des réseaux de solidarité.
Qu’apporte votre thèse à la société ?
Ma thèse met en lumière une population, les néo-agriculteurs, qui est encore largement invisibilisée dans les statistiques et dans les politiques publiques mais dont on a pourtant largement besoin pour assurer le renouvellement de la population agricole et la transition agroécologique.
Pour l’instant, il reste encore un important décalage entre, d’une part, une aspiration montante de conversion en agriculture de la part de nouvelles personnes, non issues du milieu agricole et soucieuses de mettre en place une activité qui soit reterritorialisée et agroécologique, capable de redynamiser les territoires ruraux, et de l’autre part, des politiques publiques qui elles soutiennent encore un modèle d’installation pensée sur la transmission familiale et sur des critères de viabilité économique et ne prennent pas en compte toute la richesse de l’apport des nouvelles installations.
Mon espoir, en donnant à voir ces conditions d’installation des néo-agriculteurs, leurs profils, leurs projets et les contraintes auxquelles ils font face, est de contribuer à les rendre visibles et accélérer la reconnaissance de ces acteurs comme indispensables et légitimes.
Quels sont vos projets pour la suite de votre carrière ?
Pour la suite à court terme, je réalise ma dernière année d’ATER à laquelle j’ai droit. Cette année il va s’agir de participer à la campagne de maître de conférences en géographie. J’envisage la possibilité de rentrer dans le secondaire comme professeur d’histoire-géographie à la rentrée 2023 mais d’autres options se profilent pour la rentrée prochaine.
Comment va pouvoir vous aider le prix de thèse pour la construction de vos projets professionnels ?
Je pense que le Prix de Thèse va pouvoir m’aider pour la suite dans la mesure où c’est une marque de distinction et de reconnaissance qui est importante et apportera une plus-value à mon dossier. J’espère proposer une publication pour un public non académique, une publication de vulgarisation de ma thèse, et l’apport financier du Prix de Thèse pourrait m’aider à couvrir le coût d’une publication de ce type. C’est en cela que le prix de thèse est largement bien venu.
Professionnellement parlant, où vous voyez-vous dans 10 ans ?
J’aime beaucoup l’enseignement. Dans 10 ans, je me vois bien enseigner mais je ne sais pas si ce sera dans l’enseignement supérieur ou dans le secondaire. Pour être tout à fait sincère, je me vois bien dans le secondaire. C’est quelque chose qui s’envisage mais qui a besoin de temps pour se mettre en place.
Quels conseils pourriez-vous donner à des étudiants qui souhaiteraient se lancer dans un doctorat et qui seraient encore hésitants ?
Je dirais que j’ai trois conseils :
– Le premier ça concerne les conditions matérielles et concrète de l’exercice de la thèse : je dirais que c’est très important d’être financer et de pouvoir considérer cela comme un travail rémunéré et à temps plein parce que c’est extrêmement prenant. En termes de conditions matérielles, c’est très important d’être relié à un collectif de doctorant, à un collectif de travail parce que c’est un travail solitaire qui engage souvent une confrontation, qui peut être douloureuse, avec soi-même. C’est vraiment très important de pouvoir échanger autant que possible avec des gens qui partagent les mêmes choses.
– Le deuxième ce serait sur son rapport à son sujet de recherche : il faut se faire confiance pour l’intérêt qu’on porte à tel sujet ou à telles questions. Un sujet c’est un cheminement qui se construit petit à petit. Le sujet de thèse, il faut se l’approprier personnellement et qu’il fasse sens pour soi car c’est le moteur pour pouvoir fournir cet effort-là. Il faut se faire confiance, dans son intérêt pour les choses comme guide.
– Le troisième conseil, c’est d’écrire assez rapidement, même si c’est juste pour soi. Pour ma part, j’ai un peu tardé à écrire, j’ai commencé la rédaction à la fin de ma troisième année et c’est à ce moment-là que j’ai eu l’impression de vraiment commencer ma thèse. La mise à plat par écrit c’est une objectivation, c’est une mise à distance du matériau ça donne quelque chose à discuter avec ses encadrants. Donc voilà, écrire sans pression, pour soi, sous diverses formes, produire du matériau.
Portait réalisé par le Collège Doctoral Languedoc-Roussillon
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